Droit d’auteur et protection de la vie privée dans le domaine de la photographie

Droit d’auteur et protection de la vie privée dans le domaine de la photographie

Note : L’information contenue dans le présent document est d’intérêt général et ne constitue pas un avis juridique. Qui plus est, elle n’aborde que certains aspects des lois s’appliquant à la photographie et seulement en vertu du droit qui prévaut en Ontario, au Canada. Bien que les lois qui s’appliquent à la photographie dans d’autres ressorts de common law (p. ex. : les autres provinces du Canada à l’exception du Québec, l’Angleterre, l’Australie et les États-Unis) soient fondées sur des principes semblables, elles peuvent varier à bien des égards. Si vous avez des questions sur l’application d’une loi dans un contexte particulier, vous devriez consulter un avocat de votre localité.

Cette FAQ a été financée par le Conseil de recherches en sciences humaines

Introduction

L’ère numérique a considérablement changé notre façon de prendre et de partager des photos. Aujourd’hui, n’importe qui peut utiliser un appareil photo numérique, n’importe où, pour prendre et emmagasiner des centaines de photos en quelques minutes. Même les téléphones peuvent servir d’appareils photos. Les services offerts sur Internet, comme les réseaux sociaux, offrent une plate-forme tout indiquée pour faire de la photographie soit comme passe-temps soit comme outil social. Grâce à un simple clic, une photo peut devenir publique instantanément et être vue par des millions de personnes en ligne.

Quels sont vos droits à titre de photographe? Avez-vous le droit de diffuser vos photos sur Internet? Avez-vous l’autorisation de prendre des photos de quiconque, n’importe où? Quelles restrictions s’appliquent aux photos qu’on prend de vous? La présente Foire aux questions tentera de répondre à ces questions en apportant des éclaircissements au sujet des lois en matière de droit d’auteur et de respect de la vie privée qui s’appliquent à la photographie.

F.A.Q.

Contenu

I. Droit d’auteur dans le domaine de la photographie


Qu’est-ce que le droit d’auteur protégeant les photographies?

Le titulaire du droit d’auteur d’une photo jouit du droit exclusif de reproduire ses photos, de les communiquer « au public par télécommunication » et de les exposer. Il est la seule personne – sous réserve d’exceptions importantes – qui a le droit de reproduire, d’imprimer, de télécharger ou d’afficher publiquement ses photos.

Toutefois, il y a d’importantes exceptions à ce droit. La Loi sur le droit d’auteur assure un équilibre entre le droit exclusif conféré au titulaire du droit d’auteur et les droits des utilisateurs. D’abord, même si une photo est protégée par un droit d’auteur, n’importe qui a la permission de l’utiliser de manière équitable aux fins de recherche, d’étude privée, de critique, de compte rendu ou de communication de nouvelles. Le caractère équitable se mesure en fonction des fins, de la nature et de la durée de l’utilisation.


Les photographies sont-elles protégées par des droits d’auteur?

Oui, les photos sont considérées comme des « œuvres artistiques » au sens de la loi fédérale actuelle qui régit le droit d’auteur au Canada, à savoir la Loi sur le droit d’auteur. À l’instar de toute œuvre artistique, les photographies sont protégées par le droit d’auteur à condition d’être « originales » et « fixées » en forme tangible. En général, la plupart des photographies répondent à ces critères. Pour de plus amples renseignements, voir ci-dessous. (lien vers les deux questions suivantes qui expliquent ce que veulent dire « fixées » et « originales »)

La Loi sur le droit d’auteur stipule que la photographie comprend « les photolithographies et toute œuvre exprimée par un procédé analogue à la photographie ». La jurisprudence indique que les tribunaux reconnaissent toute représentation physique d’une œuvre pouvant être protégée par le droit d’auteur.

La protection conférée par le droit d’auteur commence dès l’instant de la création de l’image. Si un photographe utilise un appareil photo traditionnel à pellicule, le droit d’auteur s’applique dès le moment où l’image est fixée sur la pellicule quand l’obturateur est déclenché. Si un photographe utilise un appareil photo numérique, le droit d’auteur entre en vigueur dès que l’image est enregistrée sur un capteur électronique, généralement une puce CCD ou CMOS. Pour de plus amples renseignements sur la propriété du droit d’auteur, cliquez ici.


Comment une photographie peut-elle être « fixée » en forme tangible?

Une photographie captée sur une pellicule ou une carte mémoire numérique est fixée en forme tangible. Ainsi, les images sur pellicule et les images numériques sur une carte mémoire SD ou dans un ordinateur sont protégées par la définition de « photographie » figurant dans la Loi sur le droit d’auteur, même si elles n’ont jamais été imprimées.


Qu’est-ce qui fait d’une photographie un « original »?

Selon le jugement rendu par la Cour suprême en 2004 dans l’affaire CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada, une photographie doit être « le produit de l’exercice du talent et du jugement » du photographe pour qu’elle soit protégée par le droit d’auteur. Il doit y avoir eu un effort intellectuel manifeste, quelque chose qui dépasse un simple exercice mécanique.

Dans l’affaire Les Ateliers Tango Argentin inc. c. Festival d’Espagne et d’Amérique latine inc., la cour a statué que « le produit de l’exercice du talent et du jugement » se mesure par des éléments tels que l’angle de la prise de vue, l’effet de lumière, le cadrage, les costumes, la recherche de l’emplacement, la durée de la séance de photo, etc. Le caractère original d’une photographie peut transparaître seulement par l’angle ou le point de vue adopté par le photographe.

Il est rare qu’une photographie n’atteigne pas ce seuil minimal d’originalité. Cela peut cependant être le cas si, par exemple, un photographe ne fait que recréer une copie d’une œuvre photographique existante. Dans le jugement Bridgeman Art Library v. Corel Corp. aux États-Unis, qui ne lie aucunement les tribunaux canadiens, le tribunal a jugé que les copies photographiques exactes d’images du domaine public n’étaient pas protégées par le droit d’auteur aux États-Unis parce qu’elles ne font pas preuve d’originalité. Même s’il faut beaucoup de compétences, d’expérience et d’efforts pour faire des reproductions exactes, le matériel qui peut être protégé par le droit d’auteur en vertu du droit américain doit avant tout faire preuve d’une originalité suffisante.

 

Si une photographie a été publiée sur Internet, est-elle encore protégée par le droit d’auteur?

Oui, une photographie publiée sur Internet est encore protégée par le droit d’auteur. Il faut obtenir la permission du titulaire du droit d’auteur avant de pouvoir l’utiliser, à moins d’une exception prévue par la Loi sur le droit d’auteur, telle que l’utilisation équitable.

Il arrive souvent que les internautes accordent d’office à un site Web la permission d’utiliser une photographie en acceptant les conditions d’utilisation du site. Conformément à ces conditions, les sites de réseautage social et de partage de photos, tels que Facebook et Flickr, s’accordent généralement une licence non exclusive pour utiliser les photographies téléchargées sur leur réseau, ce qui n’autorise pas pour autant les autres usagers du site à les diffuser.


II. Possession du droit d’auteur

 

Qui détient le droit d’auteur d’une photographie?

La personne considérée comme l’auteur d’une photographie en détient le droit d’auteur. L’auteur en devient le premier titulaire du droit d’auteur et peut céder ce droit à une autre personne. L’auteur d’une photographie est établi conformément à une disposition spéciale de la Loi sur le droit d’auteur. Le paragraphe 10(2) de cette loi stipule que le propriétaire « du cliché initial ou de la planche » au moment de sa « confection » est considéré comme l’auteur de la photographie. La « confection » du cliché initial ou de la planche renvoie à l’exposition de la pellicule au moment où le photographe appuie sur le déclencheur de l’obturateur de l’appareil photo. S’il n’y a pas de « cliché initial ou de planche », l’auteur est alors le premier propriétaire de la photographie.

Dans le cas de la photographie analogique, l’auteur est celui qui est propriétaire de la pellicule au moment de l’exposition. Il ne s’agit pas nécessairement du photographe, du propriétaire de la pellicule au moment du développement ou du propriétaire de l’appareil photo. Voici un exemple : vous prenez une photographie avec votre propre appareil, mais vous utilisez la pellicule de quelqu’un d’autre et vous la remettez à une tierce partie pour la faire développer. Selon ce scénario, l’auteur et premier titulaire du droit d’auteur est le propriétaire de la pellicule, non pas vous à titre de photographe ou de propriétaire de l’appareil photo, ni l’ami qui a développé la pellicule.

Dans le cas de la photographie numérique, l’auteur est le propriétaire de l’appareil photo numérique avec puce CCD ou CMOS intégrée, puisque celle-ci est l’équivalent de la « planche » initiale. Par voie de conséquence, l’auteur n’est pas le propriétaire de la carte mémoire numérique ou du disque à mémoire flash.

Il est à noter que, conformément au paragraphe 10(2), une personne morale peut être l’auteur et le premier titulaire du droit d’auteur d’une photographie. Cette disposition a suscité la controverse étant donné qu’elle s’écarte de la norme régissant normalement la possession du droit d’auteur d’une « œuvre artistique » au sens de la loi, selon laquelle l’auteur de l’œuvre en est le créateur. On a récemment tenté de faire modifier cette loi (projets de loi C-60, 2005; C-61, 2008; C-32, 2010; C-11) en vue d’accorder aux photographes le même titre d’auteur et de titulaire du droit d’auteur qu’aux autres créateurs. Pour de plus amples renseignements sur la réforme du droit d’auteur, cliquez ici. (lien vers la question sur la réforme du droit d’auteur ci-dessous)

 

Qui est titulaire du droit d’auteur des photographies que je prends?

En règle générale, vous êtes le titulaire du droit d’auteur des photographies que vous prenez en utilisant votre propre pellicule ou appareil photo numérique. Cependant, vous ne détenez aucun droit d’auteur sur les photographies que vous prenez avec la pellicule ou l’appareil de quelqu’un d’autre. Pour de plus amples renseignements sur cette distinction, cliquez ici. (lien vers la question précédente sur la possession du droit d’auteur)

Aussi, vous ne serez pas titulaire du droit d’auteur de photographies que vous prenez dans l’exercice de votre emploi ou pour exécuter une commande d’un client qui vous a remis votre cachet en entier.  Pour de plus amples renseignements, cliquez ici. (lien vers les questions sur l’exercice d’un emploi et sur les œuvres de commande ci-dessous)

 

Qui est titulaire du droit d’auteur des photographies que je prends dans l’exercice de mon emploi ou pendant une formation d’apprentissage?

L’article 13 de la Loi sur le droit d’auteur prévoit des exceptions précises à la possession du droit d’auteur de photographies. L’exercice d’un emploi en est une (voir le paragraphe 13(3)). Si vous prenez une photographie dans l’exercice d’un emploi ou pendant une formation d’apprentissage, le droit d’auteur appartient à l’employeur, même si vous avez utilisé votre propre appareil photo et votre pellicule. Toutefois, une entente contractuelle peut venir modifier cette disposition par défaut. Les photographes pigistes, par exemple, incluent souvent dans leur contrat des clauses visant à leur assurer le titre d’auteur et de titulaire du droit d’auteur des photos qu’ils prennent.

Qui plus est, si une photographie prise dans l’exercice d’un emploi est destinée à un journal, un magazine ou un périodique du même type, l’absence d’entente contraire fait alors en sorte que le photographe se réserve le droit d’en restreindre la publication. Pour en savoir davantage sur les œuvres de commande, cliquez ici. (lien vers la prochaine question sur les œuvres de commande)

 

Qui est titulaire du droit d’auteur de photographies que je prends pour une commande?

Les œuvres de commande constituent une autre exception prévue par la Loi sur le droit d’auteur (paragraphe 13(2)). Si un client a commandé une photographie et l’a payée en entier, il est considéré comme l’auteur et le premier titulaire du droit d’auteur de l’œuvre, sauf entente contraire. Par exemple, si un couple de futurs mariés retient les services d’un photographe et qu’il les paie en entier, les futurs époux deviennent ainsi les titulaires conjoints du droit d’auteur des photos de leur mariage, et non pas le photographe.

En l’absence d’une entente à l’effet contraire, un client est titulaire du droit d’auteur de toutes les photographies qu’il a commandées et payées. Le client est ainsi libre de les reproduire et de les diffuser. À ce sujet, voir l’affaire Lorraine Lapierre Desmarais c. Edimag inc. et Alys Robi, dans laquelle la veuve d’un photographe avait intenté un procès pour reproduction illégale contre la personne qui avait passé une commande à son mari.

En un sens, la situation qui s’applique par défaut ressemble à celle où une photographie est prise dans une cabine photographique. La personne prise en photo dans une cabine automatique devient l’auteur de la photographie, puisqu’un paiement assure généralement la propriété de la pellicule. Toutefois, une personne qui demande simplement qu’on la prenne en photo ou qui se présente à une séance de photos ne devient pas titulaire du droit d’auteur par le fait même. Elle doit expressément ou implicitement commander des photographies qu’elle va payer, puis doit avoir effectivement acquitté les frais convenus avant de devenir titulaire du droit d’auteur.

Malgré cette règle, il est courant que des clients signent une entente accordant au photographe professionnel le droit d’auteur de ses photographies. Si le client souhaite demeurer titulaire du droit d’auteur, le photographe doit veiller attentivement à conclure une entente avec lui et à en discuter. La plupart des photographes accepteront de laisser le droit d’auteur au client, puisqu’ils tirent la majeure partie de leurs revenus de leur cachet et de la vente d’imprimés, non pas des redevances de droit d’auteur liées aux images de leur clientèle.

Les pigistes doivent noter que même s’ils sont titulaires du droit d’auteur de photographies qui leur ont été commandées, ils ne peuvent pas pour autant donner ou vendre librement les imprimés ou les pellicules à un journal qui pourrait en rendre le sujet public par la suite. Une telle action violerait le devoir de confidentialité, le respect de la vie privée ou d’autres obligations juridiques, et le client pourrait entamer des poursuites pour mettre fin aux actes du pigiste et obtenir une indemnité pécuniaire. Par ailleurs, un photographe ne peut faire en sorte qu’un annonceur autorisé utilise les photographies afin de cautionner un produit. Le client pourrait alors poursuivre le photographe et l’annonceur.

Pour de plus amples renseignements sur les photographies prises dans l’exercice d’un emploi. cliquez ici. (lien vers la question sur l’emploi ci-dessus) Pour en savoir davantage sur les tentatives de réforme du droit d’auteur, cliquez ici. (lien vers la question sur la réforme du droit d’auteur ci-dessous)


Quels genres de changements à la propriété du droit d’auteur ont été proposés lors des tentatives récentes de réforme?

Bien des professionnels ont fait valoir que les exceptions visant la photographie ne reflètent pas la réalité de ce qui se fait au sein de l’industrie, c’est-à-dire conclure une entente pour que la première propriété du droit d’auteur prévue par la loi revienne plutôt au photographe. Bien des débats ont eu lieu pour déterminer si ces dispositions étaient injustes à l’égard des photographes, vu l’absence d’exceptions similaires pour les autres œuvres artistiques. Par exemple, la Canadian Photographers Coalition, qui représente les Photographes professionnels du Canada et l’Association canadienne des créateurs professionnels de l’image, a été fondée pour étendre l’équité du droit d’auteur aux photographes professionnels qui travaillent au Canada.

Des tentatives récentes (projets de loi C-60, 2005; C-61, 2008; C-32, 2010) pour amender cette loi sont toutes mortes au Feuilleton, par suite soit du déclenchement d’élections soit de la dissolution du Parlement. Toutefois, en septembre 2011, le Parlement a déposé de nouveau un projet de réforme du droit d’auteur, le projet de loi C-11, identique au projet de loi C-32 antérieur. Le projet de loi C-11, la Loi sur la modernisation du droit d’auteur, comprend une clause faisant des photographes les premiers titulaires du droit d’auteur d’œuvres de commande, un droit déjà conféré à tous les autres créateurs.

L’article 10 de l’actuelle Loi sur le droit d’auteur accorde le droit d’auteur au propriétaire de la pellicule ou de l’appareil photo numérique, pas nécessairement au photographe. Pour de plus amples renseignements, cliquez ici. (lien vers la section « Qui détient le droit d’auteur d’une photographie? ») Le paragraphe 13(2) de cette loi confère le droit d’auteur au client qui a retenu les services du photographe et qui les a payés en entier. Pour en savoir davantage, cliquez ici. (lien vers la section sur le titulaire du droit d’auteur de photographies de commande)

Le projet de loi C-11 propose d’abroger l’article 10 et le paragraphe 13(2). Sans l’article 10, la personne qui prend la photographie en sera l’auteur plutôt que celle qui est propriétaire de la pellicule ou de l’appareil photo numérique utilisé pour prendre la photo. Sans le paragraphe 13(2), le photographe demeurera le premier titulaire du droit d’auteur de photographies commandées. Ce projet de loi comporte aussi une clause supplémentaire sur l’utilisation privée, qui permet à quelqu’un d’utiliser à des fins privées ou non commerciales des photographies ou portraits de commande.

Sans entente contractuelle particulière, le nouveau droit d’auteur conféré par défaut semble permettre à des photographes engagés d’utiliser des images, telles que des photos de famille, de mariage ou d’enfants, à des fins inconnues ou non voulues des sujets. Un photographe pourrait publier ses photographies de commande dans un magazine, les vendre à des collectionneurs ou même les exposer dans une galerie sans avoir à obtenir la permission du sujet au préalable. Ces changements semblent favoriser le photographe averti, au détriment du consommateur inexpérimenté.

Toutefois, les pigistes doivent noter que même s’ils sont titulaires du droit d’auteur de photographies qui leur ont été commandées, ils ne peuvent pas pour autant donner ou vendre librement les imprimés ou les pellicules à un journal qui pourrait en rendre le sujet public par la suite. Une telle action violerait le devoir de confidentialité, le respect de la vie privée ou d’autres obligations juridiques, et le client pourrait entamer des poursuites pour mettre fin aux actes du pigiste et obtenir une indemnité pécuniaire. Par ailleurs, un photographe ne peut faire en sorte qu’un annonceur autorisé utilise les photographies afin de cautionner un produit. Le client pourrait alors poursuivre le photographe et l’annonceur.


III. Durée du droit d’auteur

 

Combien de temps le droit d’auteur protégeant une photographie dure-t-il?

La protection du droit d’auteur d’une photographie subsiste généralement pendant la vie de l’auteur, puis jusqu’à la fin de la cinquantième année civile suivant celle de son décès. Par exemple, si l’auteur est décédé le 1er mai 1950, le droit d’auteur prendra fin le 31 décembre 2000.

Dans le cas d’œuvres anonymes ou produites sous un pseudonyme, le droit d’auteur subsiste jusqu’à celle des deux dates suivantes qui survient en premier : soit la fin de la cinquantième année civile suivant celle de la première publication de l’œuvre, soit la fin de la soixante-quinzième année civile suivant celle de la création de l’œuvre.

Par exemple, si une photographie a été prise sous le couvert de l’anonymat le 30 juin 1949 et qu’elle a été publiée le 30 juin 1950, le droit d’auteur subsistera jusqu’au 31 décembre 2000 ou au 31 décembre 2024 selon les deux méthodes de calcul ci-dessus. Puisque le 31 décembre 2000 est la date qui survient en premier, c’est celle que la loi reconnaîtra. Si, pendant cette période, l’auteur vient à sortir de l’anonymat, la durée sera alors recalculée suivant la règle générale de la cinquantième année suivant celle du décès de l’auteur. Si l’œuvre est le fruit de plus d’un auteur anonyme et que l’identité d’un ou de plusieurs des coauteurs soit révélée, la durée du droit d’auteur sera recalculée en fonction de la règle générale de la cinquantième année suivant celle du décès du dernier coauteur.

Toutefois, si l’auteur est une personne morale, la protection du droit d’auteur est généralement plus courte. Dans ce cas, la protection d’une photographie analogique prend fin la cinquantième année civile suivant celle de la création de la pellicule, ce qui correspond habituellement au moment où la photo a été prise. Pour une photographie numérique, où il n’y a pas de pellicule, la période de cinquante ans débute à l’instant où la photo est prise.

Une fois que le droit d’auteur prend fin, une photographie fait partie du domaine public. À partir de ce moment-là, n’importe qui peut la reproduire, l’utiliser, la diffuser ou l’afficher librement. Pour en savoir davantage sur les photographies du domaine public, cliquez ici. (lien vers la question ci-dessous)

 

Comment puis-je savoir si une photographie est du domaine public?

Il peut être difficile de déterminer si une photographie appartient au domaine public. Le Canada n’a pas de registre obligatoire de propriété du droit d’auteur. Ainsi, il faut trouver si l’auteur d’une photographie est décédé et, dans l’affirmative, en quelle année. Une photographie est du domaine public la cinquantième année suivant le décès de l’auteur. Pour de plus amples renseignements sur la durée du droit d’auteur, cliquez ici. (lien vers la question ci-dessus sur la durée du droit d’auteur)

La tâche est plus simple si l’auteur de la photographie est une personne morale. Dans ce cas, la période de protection de cinquante ans commence dès que la photo est prise et non pas au moment du décès de l’auteur. Ainsi, pour déterminer si une photographie est du domaine public, il suffit de trouver la date à laquelle elle a été prise. Il y a toutefois une exception quand une personne physique est titulaire de la majorité des actions avec droit de vote de la société constituée en personne morale. Dans ce cas, la règle générale de la cinquantième année suivant le décès de l’auteur s’applique.

Le paragraphe 10(1.1) prévoit une autre exception dans le cas des photographies qui n’étaient pas déjà du domaine public au 1er janvier 1999. Conformément à cette exception, si le titulaire du droit d’auteur était vivant au 1er janvier 1999 et était pigiste ou travaillait pour une société qu’il dirigeait, la photographie est protégée par le droit d’auteur jusqu’à la cinquantième année suivant le décès de l’auteur. De même, si le titulaire du droit d’auteur était décédé au 1er janvier 1999 et si la photographie était encore protégée par le droit d’auteur à ce moment-là, la même règle des cinquante ans suivant le décès de l’auteur s’applique (au lieu de l’ancien principe des cinquante ans suivant la date de la prise de la photo).
 

IV. Droits de chacun – renonciations

 

Dois-je obtenir l’autorisation d’une personne avant de la photographier?

En général, il n’est pas nécessaire d’obtenir l’autorisation de la personne avant de la photographier à des fins personnelles. Toutefois, dans le cadre d’activités commerciales, il faut généralement obtenir son consentement conformément aux mesures de protection de la vie privée.

Les mesures de protection prévues par la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDÉ) du Canada s’appliquent aux renseignements personnels recueillis dans le cadre d’activités commerciales. Toute photographie montrant une personne identifiable communique des renseignements personnels. Ainsi, dans la plupart des cas, la LPRPDÉ stipule qu’un photographe doit obtenir le consentement de toute personne identifiable sur une photographie. Toutefois, cette exigence ne s’applique pas aux photographies prises uniquement à des fins journalistiques, artistiques ou littéraires.

 

Dois-je obtenir l’autorisation d’une personne avant de diffuser des photographies d’elle?

De manière générale, il faut obtenir la permission avant de diffuser une photographie de quelqu’un, même à des fins personnelles.

Pour ce qui est des fins commerciales, la LPRPDÉ stipule qu’il faut obtenir le consentement avant de diffuser des photographies de personnes identifiables, dans le même esprit qu’avant de recueillir des renseignements personnels. Là encore, cette exigence ne vise pas la diffusion à des fins journalistiques, artistiques ou littéraires. Cependant, les mesures de protection de la vie privée prévues par les lois provinciales et la common law s’appliquent.

Pour toute activité, de nature commerciale ou autre, les mesures de protection de la vie privée prévues par les lois provinciales et la common law restreignent la diffusion de photographies. Un tribunal peut admettre une action en justice pour cause de violation de la vie privée conformément à la common law. Aussi, la Colombie-Britannique, le Manitoba et la Saskatchewan ont une loi relative à la protection de la vie privée accordant expressément aux particuliers le droit d’intenter une poursuite pour non-respect de la vie privée. Au Québec, la Charte des droits stipule que « [t]oute personne a droit au respect de sa vie privée ». Ainsi, la diffusion de l’image d’une personne identifiable sans le consentement de celle-ci viole probablement une ou plusieurs de ces lois sur la protection de la vie privée.

 

Quand ai-je besoin d’obtenir une renonciation de la part d’une personne que je photographie?

Si vous photographiez des gens dans le cadre d’activités commerciales, il faut obtenir l’autorisation de tous ceux qui seront identifiables sur les photos. Peu importe les fins, vous devez obtenir l’autorisation des sujets si vous prévoyez publier ou exposer les photographies, ce qui comprend la diffusion en ligne. Les tribunaux ont déclaré que même les photographies affichées sans permission dans les groupes de discussion sur Internet peuvent contrevenir aux lois sur la protection de la vie privée.

Au moment d’obtenir le consentement des personnes figurant sur vos photographies, vous devez les informer clairement de ce que vous entendez faire des images. Par exemple, dites à vos sujets que vous avez l’intention d’afficher les photographies sur Facebook ou de les publier dans un magazine commercial. Pour bien vous protéger, il vaut mieux faire signer un formulaire de « renonciation », mais, dans la plupart des cas, une autorisation verbale suffit pour afficher des photographies personnelles sur Internet.

 

Puis-je prendre des photographies d’une personnalité publique, telle qu’un athlète ou un artiste-interprète?

Les lois sur le droit d’auteur et la protection de la vie privée vous permettent de prendre des photographies de personnalités publiques. Toutefois, il faut agir avec circonspection avant de les distribuer ou de les publier à des fins commerciales. Les professionnels comme les athlètes et les artistes-interprètes ont le droit exclusif de mettre en marché leur personnalité. Toute utilisation commerciale qui « compromettrait » leur image et générerait des profits pourrait être considérée comme un délit d’appropriation de la personnalité à des fins commerciales. Assurez-vous d’obtenir la permission de ces sujets avant d’utiliser des photographies d’eux à des fins commerciales.

 

Les photographies de moi sont-elles assujetties aux lois sur la protection de la vie privée?

La plupart des photographies dans lesquelles vous êtes identifiable divulguent des renseignements personnels à votre sujet et sont par conséquent protégées par la LPRPDÉ du Canada. Cette loi limite les moyens par lesquels une organisation commerciale peut utiliser ou diffuser vos photographies.

Par exemple, bien qu’il soit pratique courante pour un laboratoire de photos de vérifier la qualité des images qu’il développe, il n’a autrement pas la permission de les utiliser ou de les diffuser. Toutefois, il y a certaines exceptions. Par exemple, le laboratoire peut divulguer des photographies à un organisme d’application de la loi s’il juge qu’elles montrent un comportement illégal.
 

V. Assujettissement au droit d’auteur pour un bien immatériel

 

Puis-je prendre une photographie d’une chose elle-même protégée par le droit d’auteur, comme un spectacle, une œuvre d’art ou un édifice?

Toutes les photographies sont, foncièrement, des reproductions d’une scène dans leur cadre. Dans certains cas, vous pourriez violer le droit d’auteur sur une œuvre en la photographiant.

Si vous reproduisez, dans votre photographie, la totalité ou « une partie importante » d’une œuvre, vous pourriez en violer le droit d’auteur encore en vigueur. Dans ce cas, il faut se fier au bon sens. Si l’on peut voir un panneau publicitaire à l’arrière-plan de votre photographie, il est peu probable que vous ayez reproduit une partie importante de l’œuvre. Toutefois, si vous photographiez de près une œuvre d’art dans une galerie privée, vous pourriez porter atteinte au droit d’auteur.

La Loi sur le droit d’auteur assure une protection contre l’incorporation incidente d’une autre œuvre, telle qu’un panneau publicitaire visible à l’arrière-plan de votre photographie. Toute œuvre qui en incorpore une autre de « façon incidente et non délibérée » ne viole pas le droit d’auteur.

De plus, la Loi sur le droit d’auteur permet expressément la photographie d’une œuvre architecturale, telle qu’un édifice public, sans qu’il y ait violation du droit d’auteur.


Puis-je prendre une photo d’un logo d’entreprise et d’autres marques de commerce?

Il est peu probable que vous violiez une loi en photographiant un logo ou une autre marque de commerce. Tel serait le cas seulement si vous l’associiez à vos propres marchandises ou services. Pour autant que vous n’utilisiez pas une marque de commerce photographiée pour faire la publicité ou la vente de vos propres produits ou services, vous ne portez sans doute pas atteinte à la marque de commerce d’autrui.

 

Conformément à l’utilisation équitable, est-il permis de photographier une partie importante d’une œuvre protégée par un droit d’auteur?

« L’utilisation équitable » peut fournir une protection supplémentaire, même si votre photographie reproduit une partie importante d’une autre œuvre et qu’elle ne bénéficie pas d’une autre exception. Il se pourrait que vous n’enfreigniez pas la loi si vous utilisez la photographie de l’œuvre protégée par le droit d’auteur de manière équitable aux fins de recherche ou d’étude privée, de critique ou de compte rendu ou encore de communication de nouvelles.

Quant à savoir si l’utilisation d’une œuvre est équitable, pour qu’elle puisse bénéficier des exceptions prévues à cet effet, tout dépend du but de l'utilisation, du caractère de l'utilisation, de l’ampleur de l'utilisation, des solutions de rechange à l'utilisation, de la nature de l’œuvre et des effets de l’utilisation sur l’œuvre. Dans certains cas, d’autres exigences s’appliquent également, mais d’abord et avant tout, pour bénéficier des exceptions pour la critique, le compte rendu ou la communication de nouvelles, il faut indiquer la source et l’auteur de l’œuvre.

Il est à noter que le projet de loi C-32 a proposé d’élargir les exceptions de l’utilisation équitable prévues par la Loi sur le droit d’auteur à la parodie, la satire et l’enseignement, et ce, dans le but de tenter d’assouplir l’utilisation équitable d’œuvres visées par le droit d’auteur. La loi canadienne continue à restreindre l’utilisation de ces œuvres depuis bon nombre d’années.
 

VI. Assujettissement au droit d’auteur pour un bien réel

 

Puis-je prendre des photographies de biens publics, tels que des parcs et des monuments publics?

Vous pouvez librement prendre et publier des photographies de biens publics, y compris des sculptures ou d’autres œuvres artistiques situées dans des domaines publics, en autant qu’elles soient « érigées en permanence sur une place publique ou dans un édifice public ». Pour les œuvres dans un lieu public qui n’y sont pas érigées en permanence, les exceptions prévues pour l’utilisation équitable peuvent s’appliquer.

 

Puis-je prendre des photos d’une propriété privée?

Il est généralement permis de photographier une propriété privée à distance, en autant que vous le fassiez sans pénétrer sur les lieux. Toutefois, si vous prenez des photos autour d’une maison, vous devez vous assurer de respecter le droit à la vie privée des habitants de cette propriété. Les tribunaux ont déclaré que l’attente raisonnable d’une personne relative au respect de sa vie privée dans son domicile est très élevée. Par exemple, il vaut mieux ne pas prendre de photos de l’intérieur par les fenêtres, ou de la cour arrière, sans permission.

Les photographies d’une propriété privée montrent parfois d’autres œuvres visées par un droit d’auteur à l’arrière-plan, telles que des pancartes et des panneaux. Il est permis de le faire, en autant que ce soit « façon incidente et non délibérée ».