Le droit d’auteur
Le droit d’auteur est un ensemble de lois qui favorisent tant la création que la jouissance d’œuvres artistiques, littéraires, musicales, dramatiques et autres.
Publié le 28 janv. 2013
Note : L’information contenue dans le présent document est d’intérêt général et ne constitue pas un avis juridique. Qui plus est, elle n’aborde que certains aspects des lois s’appliquant à la photographie et seulement en vertu du droit qui prévaut en Ontario, au Canada. Bien que les lois qui s’appliquent à la photographie dans d’autres ressorts de common law (p. ex. : les autres provinces du Canada à l’exception du Québec, l’Angleterre, l’Australie et les États-Unis) soient fondées sur des principes semblables, elles peuvent varier à bien des égards. Si vous avez des questions sur l’application d’une loi dans un contexte particulier, vous devriez consulter un avocat de votre localité.
Cette FAQ a été financée par le Conseil de recherches en sciences humaines
FAQ
Le droit d’auteur est un ensemble de lois qui favorisent tant la création que la jouissance d’œuvres artistiques, littéraires, musicales, dramatiques et autres. Il vise généralement l’équilibre entre, d’une part, la promotion de l’intérêt public en faveur de la création et de la diffusion d’œuvres artistiques et intellectuelles et, d’autre part, l’obtention d’une reconnaissance équitable pour le titulaire du droit d’auteur (ou plus exactement pour éviter qu’une autre personne que ce titulaire s’approprie les avantages liés à l’œuvre). Pour cette raison, le droit exclusif d’un titulaire du droit d’auteur, que l’on appelle parfois le droit de monopole, se limite à ce qui est prévu par la Loi sur le droit d’auteur. Par exemple, puisque cette loi ne précise pas qui peut lire un livre protégé par un droit d’auteur, quiconque peut lire un tel livre. Qui plus est, ce droit conféré par la loi souffre d’autres exceptions, telles que « l’utilisation équitable », qui favorisent la jouissance publique d’une œuvre à des fins de communication de nouvelles, de recherche, de critique ou d’étude privée, ou à d’autres fins non énumérées telles que l’archivage par un établissement d’enseignement.
Le juste équilibre réside non seulement dans la reconnaissance des droits du titulaire du droit d’auteur, mais aussi dans la considération de leur nature limitée. D’un point de vue purement économique, il serait tout aussi inefficace de trop rétribuer les artistes et les auteurs pour le droit de reproduction qu'il serait nuisible de ne pas les rétribuer suffisamment. En principe, le créateur, c’est-à-dire l’auteur, le fabricant, l’artiste, etc., a le droit exclusif d’autoriser ou d’empêcher la reproduction de son œuvre. En pratique, ce pouvoir est plus fréquemment détenu par les éditeurs et les distributeurs à qui les créateurs ont cédé leur droit d’auteur. Un contrôle excessif de la part des titulaires du droit d'auteur et d'autres formes de propriété intellectuelle pourrait restreindre indûment la capacité du domaine public d'intégrer et d'embellir l'innovation créative dans l'intérêt à long terme de l'ensemble de la société, ou créer des obstacles d'ordre pratique à son utilisation légitime.
Pour un débat en profondeur sur l’équilibre du droit d’auteur, reportez-vous à la section Qu’est-ce que le « droit d’auteur équilibré »? et aux décisions de la Cour suprême du Canada dans les affaires Théberge c. Galerie d’Art du Petit Champlain inc. et CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada.
Au Canada, le Parlement fédéral a la compétence législative exclusive sur le droit d’auteur. L’article 89 de la Loi sur le droit d’auteur stipule que le droit d’auteur ne subsiste qu’en application de cette même loi. Toutefois, les changements apportés à cette loi sont souvent influencés par la participation du Canada à des traités internationaux et à des accords commerciaux.
Sur le plan juridique, le droit d’auteur est l’un des nombreux mécanismes visant à protéger les fruits de la création mentale, connus généralement sous le nom de « propriété intellectuelle ». En plus du droit d’auteur, les autres formes de protection de la propriété intellectuelle comprennent :
- les lettres patentes, qui confèrent à un inventeur pendant une période limitée le droit exclusif d’exploiter son invention, telle qu’un nouveau produit ou procédé;
- les marques de commerce et les appellations commerciales, qui confèrent à leur titulaire la maîtrise de l’utilisation de la marque ou de l’identificateur d’un produit ou service, comme la marque de fabrique et la raison sociale d’une entreprise;
- les enregistrements de dessins industriels, qui accordent au concepteur, pendant une période limitée, le droit exclusif d’exploiter les aspects nouveaux, non fonctionnels et non technologiques de l’apparence d’un produit utile, comme la forme unique d’une lampe.
Conformément à la Loi sur le droit d’auteur, le titulaire du droit d’auteur a le droit exclusif de reproduire la totalité ou une partie importante de l’œuvre, sous quelque forme que ce soit, d’en exécuter ou d’en représenter la totalité ou une partie importante en public et, si l’œuvre n’est pas publiée, d’en publier la totalité ou une partie importante. Selon la nature de l’œuvre, le titulaire du droit d’auteur peut aussi profiter de certains autres droits mentionnés dans la Loi. Ces droits plus généraux comprennent le droit de produire, de représenter ou de publier des traductions de l’œuvre, d’adapter celle-ci à d’autres supports, et de la présenter ou de l’exécuter publiquement. Le titulaire du droit d’auteur a également le droit d’autoriser n’importe lequel de ces actes. Il peut aussi céder n’importe lequel de ces droits, connus généralement sous le nom de droits économiques, à une autre partie. Par exemple, l’auteur d’une œuvre peut céder à l’éditeur le droit de faire appliquer ces droits. La Loi sur le droit d’auteur confère aussi à l’auteur une série de droits personnels, appelés droits moraux, qui ne sont pas cessibles.
La loi confère aux créateurs d’une œuvre protégée par le droit d’auteur une deuxième série de droits, connus sous le nom de droits moraux. En vertu du paragraphe 14.1(1) de la Loi sur le droit d’auteur, l’auteur d’une œuvre a le droit à l’intégrité de son œuvre et a le droit d’en revendiquer la création, à moins qu’il n’en décide autrement. Les droits moraux subsistent même une fois que l’œuvre n’est plus en possession de son créateur. Qui plus est, contrairement aux droits économiques mentionnés ci-dessus, les droits moraux sont des droits personnels qui ne peuvent être cédés à une autre personne, tel l’éditeur, bien que le titulaire puisse y renoncer en totalité ou en partie. Ainsi, même si les droits économiques d’une création ont été cédés, il n’est pas possible de modifier l’œuvre en la mutilant ou en la déformant de façon à causer un préjudice à l’honneur ou à la réputation du créateur. La durée de ces droits moraux est la même que celle des autres droits.
La Loi sur le droit d’auteur prévoit une autre série limitée de droits pour les titulaires de tout autre objet du droit d’auteur entrant dans trois catégories : signaux de communication, prestations et enregistrements sonores.
Dans le cas des signaux de communication, le droit connexe protège un radiodiffuseur contre toute fixation, reproduction ou retransmission simultanée non autorisée de son signal. Il lui confère aussi le droit d’exécuter en public un signal de communication télévisuel en un lieu accessible moyennant un droit d’entrée. Le droit à un signal de communication empêche les tiers de profiter injustement de l’investissement d’un radiodiffuseur pour créer un signal. Ce droit est limité aux radiodiffusions, qui transmettent sur les ondes; il ne s’applique par aux transmissions par câble, par satellite ou par Internet.
Dans le cas des enregistrements sonores et des prestations, le droit connexe confère au producteur et à l’artiste-interprète chacun le droit à une « rémunération équitable » quand leur prestation ou enregistrement sonore est exécuté en public ou diffusé. Avant l’inclusion de ce droit dans la Loi sur le droit d’auteur, seuls les « auteurs » – soit les compositeurs de la musique et les paroliers – bénéficiaient du droit d’être rémunérés pour leur prestation ou diffusion publique. Les artistes-interprètes touchent maintenant des redevances quand leur œuvre est diffusée publiquement.
Non. Pour qu’une œuvre puisse être protégée par le droit d’auteur (si l’on fait abstraction des droits connexes), elle doit répondre à plusieurs critères :
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D’abord, elle doit s’inscrire dans l’une des quatre grandes catégories prévues par la Loi sur le droit d’auteur, à savoir les œuvres littéraires, dramatiques, musicales ou artistiques.
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Ensuite, elle doit être fixée dans une forme tangible quelconque, ce qui veut dire qu’elle doit avoir pris une forme matérielle (et qu’elle n’est plus une simple idée dans la tête d’un auteur éventuel).
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Puis, elle doit être « originale ». Dans une décision récente de la Cour suprême du Canada dans l’affaire CCH, la juge en chef McLachlin a déclaré que :
« Pour être ‘originale’ au sens de la Loi sur le droit d’auteur, une œuvre doit être davantage qu’une copie d’une autre œuvre. Point n’est besoin toutefois qu’elle soit créative, c’est-à-dire novatrice ou unique. L’élément essentiel à la protection de l’expression d’une idée par le droit d’auteur est l’exercice du talent et du jugement. […] Cet exercice du talent et du jugement implique nécessairement un effort intellectuel. L’exercice du talent et du jugement que requiert la production de l’œuvre ne doit pas être négligeable au point de pouvoir être assimilé à une entreprise purement mécanique. »
- Enfin, il doit y avoir un lien entre le créateur d’une œuvre protégée et le Canada ou un membre d’un autre accord ou d’un traité international sur le droit d’auteur auquel le Canada est partie. Puisque à peu près n’importe quel État important est admissible, peu d’œuvres ne répondent à ce critère, qui est devenu largement sans intérêt.
Seule l’expression d’une idée peut être protégée par le droit d’auteur. L’idée sous-jacente en elle-même demeure du domaine public. En termes simples, cela signifie par exemple que l’esquisse de l’intrigue d’un livre dans la tête d’un auteur ne peut être protégée par le droit d’auteur, mais le manuscrit de cette intrigue peut l’être. Le droit d’auteur ne vise pas les idées, mais leur expression précise et permanente. Ce principe, dit de la « dichotomie entre l’idée et l’expression », sert de manière importante à éviter que le droit d’auteur s’applique à tout.
Non. Bien qu’il soit possible d’enregistrer un droit d’auteur au Canada, la protection est en vigueur même sans enregistrement. Le droit d’auteur naît une fois que l’œuvre est faite et fixée ou que la prestation ou la diffusion a lieu. Ce droit subsiste pleinement, qu’il soit enregistré ou non. Toutefois, l’enregistrement facilite la tâche d’en prouver l’existence.
Non. Le droit d’auteur s’applique d’office dès la création, à condition que l’œuvre réponde aux critères minimaux pour être protégée. Voir Est-il possible de tout protéger par le droit d’auteur?
Au Canada, le droit d’auteur subsiste pendant la vie de l’auteur, puis jusqu’à la fin de la cinquantième année suivant celle de son décès (article 6 de la Loi sur le droit d’auteur). Par exemple, si un poète a écrit un poème en 1925 et qu’il ait vécu encore quatre-vingts ans, cette œuvre ne sera pas du domaine public avant le 31 décembre 2055, ce qui donne une protection totale de 130 ans. Par contre, si ce même poète était mort en 1936, son poème serait devenu du domaine public à la fin de 1986.
Cette règle générale souffre quelques exceptions. Par exemple, s’il y a plus d’un auteur d’une œuvre, la protection subsiste jusqu’à la fin de la cinquantième année ans suivant le décès du dernier coauteur (paragraphe 9(1)). Dans le cas d’une œuvre dont l’identité véritable de l’auteur est inconnue, la protection subsiste jusqu’à celle des deux dates suivantes qui survient en premier : soit la fin de la cinquantième année suivant celle de la première publication de l’œuvre, soit la fin de la soixante-quinzième année suivant celle de la création de l’œuvre. Jusqu’à récemment, les œuvres non publiées bénéficiaient d’un droit d’auteur perpétuel; les réformes récentes ont modifié cette règle pour la rendre pareille à celle qui s’applique aux œuvres publiées.
Les œuvres sur d’autres supports, telles que les films et les enregistrements sonores, sont protégées pour différentes périodes qui ne sont généralement pas liées à la vie de l’auteur. Elles bénéficient plutôt d’une protection à durée fixe à partir du moment de leur création.
La durée du droit d’auteur diffère également d’un ressort territorial à l’autre. L’Europe a récemment prolongé la durée habituelle de protection, qui est maintenant de soixante-quinze ans après le décès de l’auteur, tout en refusant de protéger les œuvres étrangères au-delà de la période prévue dans leur pays d’origine. Les États-Unis ont emboîté le pas en 1998 en ajoutant rétroactivement vingt-cinq ans à tout droit d’auteur actuel et futur. Voir Sonny Bono Copyright Extension Act, 1998 (Loi Sonny Bono de 1998 sur la prolongation du droit d’auteur). Au Canada, nombreux sont ceux qui continuent à demander de prolonger la durée de protection du droit d’auteur, mais d’autres soutiennent que cette durée est déjà plus longue que nécessaire pour stimuler la création de nouvelles œuvres et que toute prolongation ne ferait qu’enrichir les titulaires du droit d’auteur au détriment du public.
Le domaine public fait référence aux œuvres qui ne sont pas protégées par la Loi sur le droit d’auteur, soit parce que leur durée de protection est échue, soit parce qu’elles ne sont considérées comme un objet propre à être protégé par cette loi. Quiconque peut utiliser et reproduire les œuvres du domaine public sans risque d’assujettissement au droit d’auteur. Le matériel du domaine public diffère du matériel que l’auteur permet d’utiliser publiquement (conformément, par exemple, à une licence Creative Commons), mais qui serait autrement visé par la loi.
Le droit d’auteur, dans la common law, est généralement présenté comme un équilibre entre, d’une part, la promotion de l’intérêt public en faveur de la création et de la diffusion d’œuvres artistiques et intellectuelles et, d’autre part, l’obtention d’une reconnaissance équitable pour le titulaire du droit d’auteur. Dès 1769, dans l’affaire Millar c. Taylor, un juge anglais écrivait :
« [TRADUCTION] Tout État a avantage à encourager les lettres et la difficile recherche d’hommes savants. Le moyen le plus facile et équitable d’y arriver consiste à leur attribuer la propriété de leurs propres œuvres. […] Celui qui s’astreint à un dur labeur […] auquel il peut consacrer toute sa vie, le fera de meilleure grâce s’il sait qu’à part sa propre gloire, cela pourra servir sa famille. »
Cela dit, comme l’a déclaré récemment la Cour suprême dans l’affaire Théberge, « [o]n atteint le juste équilibre entre les objectifs de politique générale, dont ceux qui précèdent, non seulement en reconnaissant les droits du créateur, mais aussi en accordant l’importance qu’il convient à la nature limitée de ces droits. » En matière de politique canadienne du droit d’auteur, il continue à être important, quoique difficile, de maintenir cet équilibre.
Au Canada, la principale exception aux droits exclusifs des titulaires d’un droit d’auteur est ce qu’on appelle « l’utilisation équitable ». L’utilisation équitable prévoit un nombre limité d’exceptions au droit d’auteur, y compris l’étude privée, la recherche, la critique, le compte rendu et la communication de nouvelles. Cette liste est exhaustive, de telle sorte que l’utilisation équitable s’applique seulement aux catégories d’usages mentionnées expressément dans la loi.
À titre de comparaison, le droit d’usage équivalent conformément au droit d’auteur américain, connu sous le vocable de « fair use », est un système ouvert qui adopte une méthode non exhaustive de classification des utilisations par catégorie et qui met plutôt l’accent sur des principes visant à déterminer si une utilisation assure l’équilibre entre les intérêts des utilisateurs et ceux des titulaires des droits d’auteur. Ces principes comprennent notamment : le but et le caractère de l’utilisation; la nature de l’œuvre; l’ampleur et l’importance de la portion utilisée par rapport à l’ensemble de l’œuvre protégée; et l’effet de l’utilisation sur le marché potentiel ou la valeur de l’œuvre protégée. L’utilisation équitable se fonde sur des principes d’équité semblables, mais elle se limite aux catégories mentionnées. L’expression « fair use » prend ainsi un sens plus large que celle d’utilisation équitable.
i. Parodie
Au Canada, la parodie n’est pas une défense nommément reconnue contre l’atteinte au droit d’auteur alors qu’elle l’est aux États-Unis. Dans une affaire célèbre au Canada, un tribunal a interdit à un syndicat de reproduire une mascotte d’entreprise – le Bibendum, communément appelé le « bonhomme Michelin » – dans une parodie la montrant sur le point d’écraser des travailleurs affairés à discuter des mérites de la syndicalisation. À l’opposé, les États-Unis ont clairement déterminé que la parodie s’inscrivait dans les limites du « fair use ». Le degré précis de protection applicable aux États-Unis n’est pas clair, les tribunaux ne faisant pas une distinction claire entre la parodie (soit l’utilisation d’une œuvre à des fins de moquerie ou de critique de l’œuvre elle-même), qui est protégée, et la satire (soit l’utilisation d’une œuvre à des fins de moquerie ou de critique d’autre chose que l’œuvre elle-même), qui ne l’est peut-être pas. Toutefois, malgré un certain flou, la parodie jouit au moins d’une certaine protection aux États-Unis.
ii. Ingénierie inverse
Le droit américain permet la contrefaçon dans le cas de produits issus de l’ingénierie inverse. Toutefois, à certains égards, la portée de ce droit est limitée par le récent dépôt de mesures législatives anti-contournement, qui rendront illégal le contournement des technologies anti-reproduction, même à des fins par ailleurs légales telles que l’ingénierie inverse.
Le Canada n’a pas de jurisprudence défendant l’ingénierie inverse. En conséquence, l’ingénierie inverse n’est pas une pratique foncièrement à risque au Canada. Toutefois, à la suite d’une décision récente de la Cour suprême du Canada dans l’affaire du Barreau du Haut-Canada sur l’interprétation de l’exception prévue pour l’utilisation équitable, les chercheurs canadiens pourraient estimer que l’ingénierie inverse est une pratique défendable au regard de l’utilisation acceptable à des fins d’étude privée ou de recherche. Il reste que le manque de clarté de la loi continue à préoccuper les chercheurs. Le Canada n’a actuellement pas de loi anti-contournement, mais le pays continue à explorer la possibilité de légiférer en cette matière.
iii. Transformation
La transformation est l’action par laquelle une œuvre sert à créer une nouvelle œuvre de plein droit. La nouvelle œuvre jouit ensuite de son propre droit d’auteur. Toutefois, il est possible que la nouvelle œuvre viole le droit d’auteur de l’original. Le droit américain prévoit un éventail de facteurs qui peuvent servir à évaluer s’il y a eu violation. Par exemple, si seulement une petite partie de l’œuvre originale est utilisée, si la nouvelle œuvre est utilisée à des fins qui n’entrent pas en concurrence avec l’originale et si la transformation se fait au profit du public, l’œuvre transformée est moins susceptible de violer le droit d’auteur que ce n’est le cas si une partie importante de l’œuvre originale sert à lui faire concurrence dans un contexte commercial. Le Canada n’adopte pas le même point de vue. La Loi sur le droit d’auteur mentionne expressément les transformations permises, telles que la critique et l’étude théorique, ce qui fait que les autres actes ne sont pas permis. Bien des utilisations de la nature d’une transformation, telles que les œuvres d’art d’appropriation, ne ressortissent pas clairement aux exceptions prévues par l’utilisation équitable.
iv. Décalage temporel
La plupart des Canadiens seront sans doute étonnés d’apprendre que le décalage temporel – qui comprend des activités telles que l’enregistrement d’une émission de télévision – n’est en principe pas légal au Canada. Cela dit, suivant la décision rendue aux États-Unis dans l’affaire Sony – qui a établi la légalité de cette activité –, il est peu probable que les tribunaux canadiens en arrivent à une décision contraire, surtout compte tenu de l’étendue de cette pratique. Quelqu’un pourrait à tout le moins soutenir que des enregistrements visant à décaler temporellement le contenu pour en faire subséquemment l’étude privée ou la critique constituent une utilisation équitable. Quoi qu’il en soit, le décalage temporel n’est pas expressément autorisé par la Loi sur le droit d’auteur.
v. Changement de support
Il est probablement légal aux États-Unis de reproduire une œuvre que vous possédez déjà sur un autre support, comme copier un CD dont vous êtes propriétaire sur une cassette parce que votre voiture n’a qu’un lecteur de cassettes. Un tel acte n’est pas légal au Canada, sous réserve de deux exceptions. La première est prévue à l’article 32 de la Loi sur le droit d’auteur, qui permet la production d’un exemplaire ou d’un enregistrement sonore d’une œuvre littéraire, dramatique — sauf cinématographique —, musicale ou artistique sur un support destiné aux personnes ayant une déficience perceptuelle, à condition que l’œuvre ne soit pas déjà offerte sur le marché sur un support semblable qui conviendrait. La deuxième est un droit restreint prévu à l’article 80 : la copie pour usage privé; ce droit s’applique seulement aux enregistrements musicaux. Cette exception prévoit que, pour usage privé seulement, un enregistrement sonore peut être reproduit sur support audio; dans certains cas, cela signifie qu’il y a un changement de support.
Toutefois, à la suite de l’affaire CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada, on peut se demander s’il est constitutionnel de refuser ces droits au public canadien. Certains commentateurs ont dit douter que l’attribution de ces droits aux titulaires du droit d’auteur en vertu de la Loi puisse se justifier dans une société libre et démocratique et que, par conséquent, un tribunal jugerait qu’ils constituent une violation du droit à la liberté d’expression prévue à l’alinéa 2b) de la Constitution.